Dimanche 17/08/2003



    Les troupes sont fatiguées, changées, désodorisées, plus ou moins lavées après le dernier effort. Les voitures regorgent de sacs de sport, de cadavres de bouteilles d'eau (je signale aux amateurs d'hémoglobine qu'il s'agit des seuls morts de cette anecdote), de vêtements négligemment jetés et d'un ventilateur même pas encombrant propre à combler le moindre espace libre que l'on cherche encore. Les machines sont savamment empilées dans la bétaillère selon un ordre digne de l'aéronautique et dans la sueur. Les roues cherchent leur place au chausse pied. Les concurrents, encore avides de compétition, dans les starting blocks, attendent l'ouverture de la salle des fêtes et la remise des récompenses quand tout à coup un meuglement humain vient déchirer le calme de la place du village : "Merde, ou-ce que j'ai foutu c'te roue ?" La canine aiguisée, l'oeil vif surmonté d'un pli de colère, la sueur perlant sur le pelage, le bestiau est prêt à mordre après avoir contrôlé toutes les housses, démonté à la dynamite toutes les soutes à bagages. Eddy, il ne peut s'agir que de lui, est furibard et met tout le monde sur le pont, son problème devient nos ennuis. L'organisateur est mis à contribution, il n'y a pas de raisons d'y échapper ainsi que l'hôtelier supposé détenir le précieux cercle. " Elle ressemble à quoi ta roue, c'est quoi le modèle ? " demande imprudemment Michel.
" C'est une roue normale, une roue à la con " d'après Eddy dont la tension artérielle est aux portes du Guiness book. Avec une telle description, la manquer relèverait de l'incompétence absolue.. On se met donc à re-chercher une roue normale, de marque et de couleur indéfinie, ronde, sans angles donc, entourée d'un mélange de caoutchouc et de silice et de l'air au milieu, sans résultats.
Sur le chemin du retour, vu qu'il ne reste que 400 bornes à couvrir et l'heure peu tardive (20 heures), un arrêt est programmé à l'hôtel. Le réceptionniste ne dispose pas de l 'objet, tout au plus de quelques roulettes sous son siège dont le diamètre ne convient d'ailleurs pas, pas plus que la qualité médiocre des roulements. Pas convaincu, une perquisition est menée dans nos anciennes piaules. Tant qu'on y est, on en profite pour réveiller un client qui voit débouler une horde de bonshommes doté d'un passe et d'une bonne dose de culot. Finalement, il ne sera pas torturé pour avouer son innocence, pas le temps de jouer.
Luis doute de plus en plus de l'existence de l'objet et opte pour le coup de fil à un ami sous les regards plein d'espoir des ses autres compagnons d'infortune et d'Eddy dont le crâne fuit toujours et pas seulement à cause de l'orage. Verdict : la roue incriminée n'a pas quittée Grenoble.


Il est des crédits dont les intérêts exorbitants se paient sur des années, j'ai dans l'idée que cette histoire en fait partie.