La marmotte

Samedi 5 juillet 2003

 

    Notre dernière confrontation avec ce foutu rongeur remonte à 2001. Ce bestiau  ne se contente pas d'envelopper des tablettes de chocolat au lait sans casser les noisettes puisqu'il joue aussi avec les jambes, le moral et les nerfs des cyclistes. Une rencontre largement arrosé sur les 174 km (ndwm: 178 cette année ?) du parcours. Des conditions dantesques, de la flotte comme déversée par des canadairs, qui, au sommet du Galibier tombait à l'horizontal, une température à ne pas mettre un caribou dehors, Denis avait même cru se faire courser par un ours polaire léchant une glace au saumon, le fin du fin de la gastronomie polaire. Un Denis signant alors une belle perf  avec 7 h50', Michel suivait avec 8 h 15', puis Luis, courageusement sans imperméable mais avec un coupe-vent. Depuis, Luis a parfaitement compris la différence entre déperlant et imperméable, s'offrant même un arrêt "chauffage" dans une ambulance de la croix rouge au sommet du Lautaret. Laurent, lui avait crevé trois fois et embauché un suiveur afin qu'il le fournisse en chambres à air chez un vélociste de St Michel de Maurienne. Eddy devait lâché prise à 5 km de l'arrivée, lui aussi avec une crevaison au compteur au beau milieu du long tunnel du lac du Chambon. Alors forcément, on voulait lui tordre le coup à cette bestiole, faute de pouvoir l'apprivoiser.

 

    L'équipe 2003 compte Denis, Laurent, Luis, Stéphane, Michel et Patrick soit le retour à une vieille connaissance pour ce dernier. Eddy est manquant pour cause de mariage, c'est fou le nombre de mariages qu'il y a ce jour là.

    Ce coup ci, il fait beau. Beau, mais pas chaud à Bourg d'Oisans, 8° C, sans l'ombre d'un rayon de soleil tardant à trouver la ville nichée dans la profonde vallée. L'objectif est simple et triple : Couper la ligne en moins de huit heures, couper la ligne le plus près possible des 7 h 30 et accompagner le peloton de tête sur quelques kilomètres dans la croix de fer. Disposant de dossards de l'après guerre, je veux dire  des numéros compris entre 1946 et 1950, nous allons démarrer juste après les prioritaires.

    La tactique est limpide, faut chasser. Sitôt dit, sitôt vite fait, les 10 premières minutes sont parcourues à 47 km/h de moyenne (ndwm: Tout ca pour gagner un peut moins de 2mn, données garanties par Polar...). Les premières pentes calment les ardeurs. Reste que ce départ de poursuiteur va laisser des traces au moment de faire les comptes, en bas de page, et même avant. Devant, Patrick débroussaille sans se retourner alors que Michel a besoin de respirer, histoire de se refaire, ça reviendra un peu plus haut. Derrière, le rythme est plus sage, ce qui n'est pas vraiment difficile. Ludo est sur la moto et ravitaille efficacement dès la moitié du premier col, il sera là tout au long de l'épreuve, une excellente idée cette moto. Le sommet du col de la croix de fer est baigné de lumière, il ne fait pas trop froid. Malgré tout, Ludo nous glisse une feuille de journal. Grosse déception, ce n'est pas  "l'équipe" du jour, donc, on le  refuse, non, je plaisante. Une route en balcon étroite, pas protégé par des gardes fous, il faut garder l'esprit vif. Les pompiers s'occupent d'un coureur visiblement percuté par une voiture, ça refroidit forcément. St Sorlin d'Arves s'est équipé d'un revêtement troué, bosselé ou gravillonné disposé de manière aléatoire en long, en large ou en travers, idéal pour juger du confort d'un vélo et vider ses poches au hasard des rebonds. La suite est mieux encore puisque tout récemment gravillonné par plaques  ou se succède ombre et lumière, le tout au milieu des bagnoles, la route devient un terrain de jeu... de hasard. La portion allant de St Jean à St Michel de Maurienne est une formalité, le vent pousse fort. Le Télégraphe se présente. Une pente régulière, agréable, pas une formalité mais pas loin, enfin ce n'est pas l'avis de tous, notamment Denis  le considérant comme un ennemi intime, lequel a essuyé une crise d'asthme dans la vallée. Patrick et Michel pointent dans les 120 au sommet du col, ça ne durera pas. Valloire et St Sorlin font asphalte communs avec, en prime, une petite partie pavée... en biais. A la sortie de la station, un sale coup nous attend au détour d'un panneau cerclé de bois, je cite " Galibier 17 km ", ça ne fait pas rire,  les jambes ont du mal à reprendre du rendement et le coeur monte difficilement. La progression n'est pas franchement rapide jusqu'à  Plan Lachat, au delà elle sera franchement lente. Jamais vu des  kilomètres aussi longs, c'est pas possible, ils ne les comptent pas comme en plaine, ils doivent faire 20 à 30 % (ndwm: 6mn le km, ca laisse le temps de voir venir...) en plus. Bon, dans la douleur, le sommet arrive, le froid aussi. Jusqu'à la Grave, les doigts et les pieds s'engourdissent, le vent est défavorable. Patrick s'arrête au sommet, des sandwiches à la mortadelle le retiennent, Michel continue, il a suffisamment perdu de temps. La descente est longue et ventée, ponctuée par des tunnels moyennement éclairés. En dégringolant vers Bourg d'Oisans Michel  sent poindre une douleur au genou, c'est un tendon qui déconne. Il faut dire que la prudence n'était pas de mise puisqu'il essayait ce jour précisément un LOOK KX light. C'est la fin de l'aventure au pied de l'Alpe, il capture le marmotton. Patrick continue et termine en 7h 43', Denis signe 8 h21', Laurent au courage effectue le parcours en 8h 50' et améliore de 23' tout de même,  Stéphane est dans ce temps, Luis stoppe à Bourg d'Oisans pétri de douleurs musculaires.

    Ceux qui ont fini sont ravis, les autres moins, mais tous ont en commun un goût d'inachevé, l'impression d'avoir traîné sa misère toute la journée, sans plaisir, dans le labeur et la douleur. Alors c'est sur, la prochaine fois, on va la préparer, en bouffer du col de 30 bornes à 4000 m d'altitude, quitte à s'aligner la cordière des Andes en long en large si elle ne nous reste pas en travers !

 

Tableau de bord (données Polar)

     Distance        178 km
Dénivelé       5040 m     
T° mini 7°C
T° moy 19°C
T° maxi 31°C