LA BIOGRAPHIE
Avertissement au lecteur :
L'auteur voudrait attirer l'attention du lecteur sur le caractère
tout à fait exceptionnel du document ci-dessous présenté; nécessitant
d'âpres, épuisantes et longues négociations, un troc éhonté
et des ruses militaires sioux afin de débusquer la moindre info
et faire progresser ce qu'il convient de nommer une enquête.
La petite Marie Jo naquit un
8 mars, journée internationale de la femme, un symbole fort,
dans la douce tiédeur d'un département qui allait la marquer à
vie, un département qui est une petite porte ouverte sur la
Provence, où flotte le délicat parfum du nougat et de
l'autoroute A7, où souffle fort un vent implacable, où mûrissent
doucement les raisins du Saint Joseph ou les abricots charnus :
la Drôme. (NDWM: Clichés
réducteurs d'une Drôme observée depuis l'autoroute ...)
Ses premières visions
furent donc nimbées de sa famille et de curieux gros cailloux
poudrés de blanc comme des marquis monarchiques qu'elle
apercevait par la fenêtre, intriguant. Dans son berceau déjà,
on supputa une vie très active, en témoigne la très belle
cadence de jambes, oscillant naturellement entre 90 et 100 tr/mn,
une vitesse idéale et des bras très actifs également,
cherchant un ballon virtuel, le tout dans un style épuré, très
classique. On remarqua tout aussi rapidement une voix aiguë et
perçante dont elle usera généreusement.
Très tôt, elle fit
preuve d'une responsabilité étonnante quant à son
alimentation, n'hésitant pas à réclamer du lait 1er age bio et
affichant un goût marqué pour le chocolat noir amer, préférant
le thé de Ceylan à la bergamote au Banania. Ses proches
comprirent très vite qu'il faudrait se résigner à accompagner
un tempérament sur-actif et ranger au rang des souvenirs
reposant le calme d'antan. MaJo choisit donc comme première
activité la danse classique et réussit fort bien puisqu'à
l'age de 11 ans, elle se retrouve en sélection nationale à
Cagnes sur Mer et elle réussit également à dégoûter ses
parents de l'emmener s'entraîner si loin du domicile trois fois
par semaine témoignant leur peu de goût pour le ballet en
voiture. Il lui faut donc changer de voie, au grand désespoir de
Patrick Dupont, littéralement effondré, enfin il aurait pu l'être
s'il avait été au courant de ce fait.
Changement de
programme, cap sur le sport collectif avec le volley pratiqué
dans le club de St Paul-les-Romans. Pourquoi le volley ? C'était
tout simplement le seul sport pratiqué dans sa commune si l'on
veut bien faire abstraction du point de croix, du foot, de la
belote coinchée et de la pétanque. Plus de soucis d'éloignement,
donc. Marie-Jo apprend avec application et se retrouve au poste
de passeur (passeuse ?) vu sa taille, disons mesurée et mesurée
à 165 cm, c'est le début d'une carrière de 10 belles années.
Elle changera de club pour Peyrins, le club du village de Patrick
entraîné par son futur beau-père. Dans l'intervalle, entre
deux rebonds, elle rencontrera Patrick au lycée, en 1ere (je
parle de la classe, pas de la catégorie dans laquelle il évoluait
alors, vu qu'il courrait en junior première année) et affirme
un caractère bien trempé, voire même carrément rebelle, n'hésitant
pas à prendre à contre-pied l'autorité parentale. L'équipe
accède à la régionale 1 et montera même en catégorie
nationale sans Majo qui part vers d'autres horizons. Et toujours
ces majestueuses montagnes aux couleurs changeantes au gré des
saisons, terriblement attirantes qui la nargue chaque matin en
ouvrant les volets de sa chambre.
Pour ses 20 ans,
Patrick, tombé dans le chaudron vélocipédique depuis
longtemps, lui offre un vélo. Certes ce n'est pas un Lapierre
ultimate scandium, mais de quoi débuter honorablement et se
faire plaisir. C'etait un cycle Besson sur mesure en vitus acier.
Un achat sérieux pour une ignorante du cyclisme qui n'a jamais
fait de vélo (en tant que sport) et qui n'en fera peut-être
jamais. Un gros investissement pour des étudiants. Telle une
relique sacrée, la bête est toujours dans le garage de la
famille Chaleat, au service de la belle mère, donc au repos.Jusqu'alors,
le vélo représentait un honnête moyen de déplacement, utilisé
comme outil principalement pour rendre de menus services. Est-ce
l'appel de la découverte de nouveaux horizons ou la flamme qui
anime Patrick ? Apres avoir exprimé bruyamment sa réprobation
face à la première pente, Marie-Jo montre de belles
dispositions pour l'effort sur deux roues. Patrick, en recruteur
zélé et compétiteur maladif fait le forcing pour qu'elle fasse
des courses, partant du principe que ça ne sert à rien d'être
fort à vélo si c'est pour ne pas faire des courses. Un point de
vue que Majo n'a jamais pu comprendre. Toujours est-il que Marie-Jo
prend une licence UFOLEP au CCRP au mois de Mai, soit trois mois
après réception de son spade et s'aligne au départ de sa première
course, comme ça pour voir, en se défendant d'avoir l'esprit de
compétition et sous la pression insoutenable, limite
harcellement moral, des Chaléat père et fils.
La course de St
Bardoux, une vraie belle galère avec une vraie bosse de 3km,
bref le tracé idéale pour la dégoûter à vie d'user des
cuissards sur un morceau de cuir préformé dénué de tout
confort et même du plus rustique moelleux. Les trajectoires
pures et tendues ne sont pas encore une spécialité maison
puisqu'elle se fait proprement larguer dans les descentes pour
revenir dans la bosse. La petite nouvelle apprend vite,
d'ailleurs c'est son truc ça, elle adore apprendre, en témoigne
sa participation au championnat de France Ufolep à Romans la même
année. Dans la bonne échappée, particulièrement à l'aise
dans la bosse, ses espoirs s'effondrent comme sa roue arrière et
surtout avec l'intervention d'un cosaque lui remplaçant la roue
maudite par une roue "en travers". Le lot de
consolation viendra quelques mois plus tard en endossant le
maillot de championne de France Ufolep par équipes du chrono,
beau début. C'est aussi la découverte de ses fameuses montagnes
parcourues à pied, en vélo, à ski, en raquettes en j'en oublie
certainement. Le Vercors deviendra pour les Chaleat un pèlerinage
obligé et un terrain de jeu privilégié, quitte à embellir un
peu la réalité, mais le coeur à ses raisons...
Ces sorties en
montagne sont également l'occasion de connaître la flore grâce
à un guide botanique de 800g emmené un peu partout et largement
consulté à tout bout de champs, ou plutôt de sentiers, au
risque d'exaspérer un peu plus à chaque arrêt ses
accompagnants. Elle deviendra une adepte de la phytothérapie,
conquise par les propriétés étonnantes et le caractère
naturel de cette médecine douce. Armé d'un chapeau, de gants et
d'un prototype d'outil à biner, Majo plante, taille, soigne,
bine, bouture, cueille toute sorte de chlorophylle à racines.
L'alimentation est également au centre de ses préoccupations
quotidiennes et recherche naturellement à en savoir plus sur le
carburant de l'organisme. Des réponses lui seront amenées par
ses propres recherches mais également par ses études à l'issu
d'un début de parcours un peu heurté. C'est d'abord trois mois
de prépa. vétérinaire puis cinq mois en clinique vétérinaire
avant de dire adieu à veaux, vaches, cochons. Changement de
taille, on passe alors à l'infiniment petit avec la biologie,
sanctionné par un DEUG, une licence et une maîtrise de
microbiologie avec mention bien et major de promo s'il vous plait
!
Cap à l'est et les
mystères de l'Asie, son raffinement, sa culture, son exotisme
garanti, cap sur la Corée ou Patrick effectuera sa coopération
pour le compte de la mère patrie. Marie-Josée en profite pour
effectuer un stage dans le cadre de ses études sur une chaîne
de production de sandwich au beurre de cacahuètes (une nouvelle
variante des supplices asiatiques sans doute) ou elle est
rapidement virée pour "perturbation de la production".
Les coréens, en effet, n'en revenaient pas de voir une européenne
et surtout une européenne tartiner (pas très bien d'ailleurs)
à leur côtés. Elle ne doit pas être bien loin de détenir le
record du stage le plus court de l'industrie sandwichière,
quelques heures tout au plus. Direction le laboratoire qualité
de cette même entreprise ou elle n'aura plus le loisir d'amuser
le personnel en torturant un pain de mie encore plus innocent qu
'immangeable. Elle se rendra utile en allant débusquer la bactérie
cacahuettophile et s'assurer de la bonne, pardon, de la qualité
conforme des produits.
Partie avec un visa de
tourisme, les autorités locales, ne reconnaissant pas le
concubinage, lui indique sois la porte de la sortie, sois le
mariage. Voilà donc pourquoi ces deux là se sont unis à Séoul
plutôt qu'à Romans même si ce n'est pas très gentil de se
taper des nems sans ses copains et sa famille. A l'issu de neuf
mois de régime dissocié au riz parfumé, elle retrouve ses
montagnes, ses pognes et accessoirement ses chères études, avec
à la clé un diplôme d'ingénieur en agro-alimentaire. Cette
année 90 est décidément faste, le sport lui apporte un premier
titre de championne Rhône-Alpes Ufolep, sa première vraie belle
course de l'aveu même d'un admirateur anonyme, forcément
partial, puis un titre de championne de France en ligne. Le titre
se dérobera de peu (2eme) en 91 pour revenir en 92, par contre
la moisson des victoires se perpétue et laissera des souvenirs
dans l'inconscient dromois UFOLEP, comme le prouve les nombreux témoignages
entendus lors de récentes épreuves. Majo étend son domaine
d'action et fait main basse sur quelques cyclosportives et pas
des moindres tels le tour du canton de St Félicien, ancêtre de
l'ardéchoise, la Résistance (LA cyclosportive du Vercors), la
Ventoux, l'Ardéchoise ou le bouquet, les seules à lui échapper
ont été la Marmotte en 93 et la Louison Bobet.
Cette année là
marque le début du deuxième volet de sa carrière avec la première
licence FFC et son entrée à la SCA. Apres des années de
travail au corps (c'est une image), Patrick réussi a la
convaincre de prendre une licence FFC. Sa première et seule
course FFC de la saison fut le vire-vire d'Annecy le vieux, un
sacré changement comparé au rythme du cyclosport. Elle se
classe 4eme derrière l'inamovible Jeannie Longo (qu'elle se
permettra de taxer plus tard lors d'un sprint) et 2eme du sprint.
Mais rien ne presse... On verra la suite l'annee suivante... Le
grand bain est donc pour 94 ou rapidement elle est remarquée (par
Jacky) et est sélectionnée pour le tour de Haute Garonne, puis
après un bon championnat Dauphiné-Savoie (5eme) pour le
championnat de France. La pompe est amorcée, le palmarès pourra
désormais s'écrire ligne après ligne, patiemment, avec
obstination et toujours sans esprit de compétition (!) Elle
acquiert le statut de sportif de haut niveau dès 96. Un rapide
coup d'oeil sur son CV sportif fait ressortir quelques beaux
morceaux comme les 4 tours de France féminin, les 2 giros, les
championnats du monde 96, ses trois titres de championne Dauphiné-Savoie
sur route, cyclo-cross et chrono la même saison, la célèbre flèche
Wallonne ou ses quelques 15 victoires. J'aurais aimé vous faire
partager ses petits "trucs", ses doutes d'athlète, ses
satisfactions, le moteur de sa motivation, des anecdotes, bref,
tout ce qui rend un champion un être un peu à part, tout ce qui
entretient le rêve, l'éloigne de notre sphère et le fait évoluer
sur un monde parallèle, j'aurais aimé mais ... rien, elle n'a
rien à dire. Qui a dit que les gens heureux n'avaient pas
d'histoires ?
Une chute sérieuse et
stupide en course en 99 mettra fin à cette carrière. Depuis,
Brevet d'Etat des activités du cyclisme en poche, Marie-JO entraîne
cadets, juniors et seniors du club et dispense conseils et
recommandations sans jamais rappeler son passé, sans évoquer la
moindre anecdote, sa modestie confine parfois au secret d'état.
Elle coule des jours paisibles mais toujours aussi remplis dans
le nord Isère tapie dans un coin reculé entouré d'arbres, de
plantes comestibles ou non, de chats, faisans, de renards
poulivores et donc, épisodiquement de poules. Elle possède une
sérieuse réputation de soigneur auprès des chats, buses et même
de Patrick. Son érudition culinaire lui permet de développer
une cuisine colorée et créative dans laquelle herbes et épices
tiennent une place de choix et étonnent le palais, sans oublier
le fondant au chocolat noir amer qui touche au grandiose. Le
sport occupe le temps que son travail de formateur lui laisse
libre, et malgré un genou en croustille elle ne rechigne pas à
épuiser un mari, un guide ou autres victimes qu'elle aura entraîné
sur son terrain de jeu préféré : la montagne. La convaincre de
participer à une course relève d'un travail herculéen, réclame
une patience insondable et une masse d'arguments digne d'un
rapport de l'ONU.
PALMARES 95 4
victoires |
PALMARES 96 6
victoires dont le championnat |
PALMARES 97 2
victoires dont Crest, la plus belle |
PALMARES 98 Championne
Dauphiné-Savoie |